samedi 16 mars 2019

Best of starchitectes

Balade en fin d'hiver au nord de la Suisse. C'est carnaval à Bâle. Les guildes et les carnavaliers défilent, les chars lancent des oranges, de poireaux, des fleurs. Ambiance d'un autre temps. Mais après 10 heures de picolos il faut s'aerer la tête et c'est ainsi que le jour 2 du voyage, on quitte la ville et la foule direction le campus Vitra.
Le concept : Vitra éditeur (ou ré édideur) de meubles de grands designers a installé autour de son usine d'assemblage tout un site accessible au public afin de présenter son histoire et ses collections.
Jusqu'ici rien de dingue. Mais comment attirer les clients/ touristes et faire la renomée de Vitra en plein milieu des champs allemands (parce que le site est côté allemand, sur des terrains appartenant à la femme du fondateur et où les salaires des ouvriers sont moins chers).
Pour trouver la réponse, le fils du fondateur a procédé à un raisonnement simple et efficace :
- les amateurs de fauteuils Eames et Prouvé aiment le Design.
- donc ils aiment l'architecture,
- donc ils aiment les grands noms de l'architecture contemporaine.

Mais qui pour construire le showroom Vitra parmi les grands noms ?
- Frank Gehry ?
- Tadao Ando ?
- SANAA ?
- Zaha Hadid ?
- Alvaro Siza ?
- Herzog & de Meuron ?

et bien...tous.
Et puis encore une station Prouvé, une cabane de Renzo Piano. Rien que ça, le tout sur un site de 25 ha.
plan du site www.vitra.com

Alors évidemment, en arrivant sur site on devient dingue, comme un gosse dans un magasin de jouets. La visite guidée nous permet même d'entrer dans ces "fabriques", ces folies un peu comme dans les fausses ruines néo-gothiques des jardins anglais du XIXe siècle.

Station Prouvé (photo DSz)


Mais que reste-il à la fin de la visite ?
Des check :
une caserne de pompier de Zaha Hadid avec ses murs pas droits. Fait.
Les sept maisons entassées mettant magnifiquement en scéne le mobilier Vitra et le paysage car de Herzog &de Meuron sont vraiment des bons. Fait.
Le centre de conférence de Tadao Ando et son béton aussi lisse que le marbre. Fait.
L'usine ronde de SANAA avec son "rideau de polyamide". Fait

Mais finalement, on se rend compte que ces fabriques sont posées sur le site sans grande cohérence.
A croire qu'il manque encore une dernière intervention. Celle d'un paysagiste qui saura nous faire cheminer d'un chef d'oeuvre à l'autre. Qui a le 06 de Gilles Clément ?

VitraHaus Herzog & deMeuron (photo DSz)


PS : si vous n'avez qu'une visite à faire près de Bâle, allez en priorité à la fondation BAYELER. Le musée de Renzo Piano en grès des Vosges est l'un des plus beaux bâtiments qu'il met été donné de voir.
Renzo Piano !!! fondation Beyeler (photo DSz)

samedi 6 janvier 2018

Débusquer Sophie Calle au musée de la chasse et de la Nature jusqu'au 11 février

En entendant que Sophie Calle s'exposait au musée de la Chasse et de la Nature, j'ai enfin eu un prétexte pour aller dans ce lieu dont j'avais beaucoup entendu parler.
Dès la première oeuvre, "L'ours", le ton est donné. Une photo. Un texte. Un procédé qui rappelle celui de l'oeuvre "Prenez-soin de vous" présentée à la biénnale de Venise en 2007 et qui nous avait fait adorer Sophie Calle.
Et puis ça continue avec une série d'oeuvres sur la disparition de son père chéri. C'est juste, c'est touchant, ça peut même être drôle (avec notamment cette oeuvre que Sophie Calle est allée "pêcher" chez Sylvain son poissonnier qui pourrait être méprisante mais qui est au contraire légère et juste.)
La deuxième partie de l'exposition est assez maline puisque dispersée dans le musée. Il faut donc chasser l'oeuvre au sein des collections permanentes. Sont présentées des anecdotes intimes de la vie de l'artiste mais que chacun s'approprie et qui finalement sont universelles : une rupture, le rapport au sexe, la perte d'un être cher, un sentiment de honte, une rencontre.
Enfin, la troisième partie de l'exposition présente des petites annonces matrimoniales tirées du Chasseur français. Simple, mais efficace. En vacances, on a l'habitude de dévorer celles de La Nouvelle République ou celles du Le Littoral, mais il faut avouer que la somme présentée ici vaut le détour. Quel bon moment !
L'Ours, dyptique de Sophie Calle. 


dimanche 17 avril 2016

Pourquoi faut-il courir à l’expo Hubert Robert au Louvre (jusqu’au 30 mai) ?


En 5 points imparables

Hubert Robert - Le port de Ripetta à Rome. 1766 (Ecole Nationale des Beaux-Arts, dépôt du Louvre)


1/ Pour y « croiser » de vieux copains : le Laocoon, l’Apollon du Belvédère et le graveur Mariette.

2/ Pour lire les panneaux et les cartels sensibles de Guillaume Faroult et ses collaborateurs. Les panneaux ne sont ni trop savants ni au raz les pâquerettes, mais intelligents car ils ne s’arrêtent pas à des faits et osent proposer une interprétation.

3/ Parce que 6 œuvres m’ont particulièrement marquées, et que je veux les partager :
-       Rotonde souterraine du palais de Caprarola. Cette sanguine m’a saisie car ce morceau d’architecture de Vignole m'a, comme Hubert Robert, fasciné (et puis petit détails très contemporain : le réservoir d’eau de pluie au centre, c’est ce qu’on appelle de l’architecture durable)   
-       Baie du péristyle de St Pierre de Rome : autre sanguine remarquable pour son cadrage (la fenêtre ouverte sur le monde)
-       Le vomitorium du Colisée avec une femme et un enfant. Là encore pour son cadrage, mais aussi parce que cette scène évoque ce pourquoi j’aime tant Rome. Ce "non respect d’un édifice Antique et majestueux". Non pas que les habitants de Rome ne respectent pas leurs monuments, mais ils vivent avec, ne les mettent pas sous cloche. Rome n’est pas une ville musée.  
-       Jeune homme lisant sur un chapiteau corinthien. Parce qu’il est beau ce jeune homme. Et qu’il a bien de la chance de s’appuyer sur ce chapiteau, même si il cherche encore la position parfaite (si si, regarder son pied gauche).
-       Les échafaudages de la fontaine de Trevi : le jeune Hubert Robert était à Rome lors de l’installation des sculptures et a croqué ce moment qui va compter dans l’histoire de l’urbanisme de la ville.
-       Le port de Ripetta à Rome. Cette toile m’a fascinée, et pour analyser cette attirance, j’ai repensé à la notion évoquée par Roland Recht dans un bouquin La lettre de Humboldt, du jardin paysager au daguerréotype, un essai exigeant mais fabuleux qui évoque la "mise en place des reliques culturelles" dans les jardins à l’anglaises, les gravures, et plus tard dans les premières photographies. 

4/ Parce que Ruines + Voyages en Italie + Jardin = recette parfaite pour mettre en marche l’imagination du spectateur (et aussi un peu sa réflexions sur notre court passage sur cette terre, mais ça, c’est selon l’humeur)
Il faut reconnaitre que l’esthétique de la ruine et l’architecture d’ornement de l’art des jardins ont depuis toujours excités mon imagination. En 2000, j'ai lu une explication limpide sur cette fascination, elle est proposée par Madame de Staël en 1813 (4 ans après le décès de Hubert Robert), dans son ouvrage De l’Allemagne « les ruines des beaux arts parlent à l’imagination, elles reconstituent ce que le temps a fait disparaître, et jamais peut-être un chef d’œuvre dans tout son éclat n’a pu donner l’idée de la grandeur, autant que les ruines mêmes de ce chef d’œuvre. On présente les monuments à demi détruits, revêtus de toutes les beautés qu’on suppose toujours à ce qu’on regrette… »

5/ pour les scènes du quotidien qui se jouent dans presque chaque tableau.
Mais Guillaume Faroult les présente tellement mieux que moi, qu’il faut y aller pour les repérer et les admirer !

Alors Go Go Go !

samedi 27 février 2016

Le Corbusier, Jean Prouvé et Renzo Piano sont sur une colline...

Enfin ! J'ai gravi la colline de Notre de Dame du Haut à Ronchamp, à 20 km du restaurant où mes parents ont fêtés mon baptême.
Je cherchais le Corbusier, j'y ai trouvé bien plus.

La colline qui bénéficie d'un point de vue extraordinaire sur les Vosges est un lieux de culte depuis un bon bout de temps quand en 1950 Le Corbusier est appelé par l'Association oeuvre Notre Dame du Haut, association composée d'écclésiastiques et de laïques qui se sont donnés comme mission de maintenir la double vocation du site culturelle et cultuelle.
Faire appel à un architecte de renom doit, pour l'archevèque de Besançon, contribuer à renouveller la ferveur des pellèrins de passage et aux centaines de personnes venant chaque années célébrer le culte marial en plein air les 15 aout et 8 septembre.

L'idée est de construire une nouvelle église à la place de l'édifice fortement endommagé par les bombes de la seconde guerre mondiale. Après un premier refus, Le Corbusier accepte de venir visiter les lieux au printemps 1950. Il reste trois heures sur la colline, perçoit la spiritualité qui y règne,  accepte la commande et commance les croquis préparatoires.
Les Vosges un matin de février - image DSz

Le programme est simple : faire un lieu de culte. Là où le Corbusier est quand même assez astucieux c'est qu'il permet à sa construction de répondre également à un besoin qui n'intervient que deux jours par an : la messe en plein aire devant des centaines de pellèrins ! En effet la façade Est est "double face" :

Côté pile on est à l'intérieur de la chapelle. La statue de la vierge est à gauche du prêtre qui officie devant la petite communauté de fidèles.
Dessin pour Ronchamp - Le Corbusier

Côté face, nous sommes à l'extérieur de la chapelle, le prêtre officie devant les centaines de péllerins réunis en plein air pour l'assomption ou la nativité de Marie. La statue est maintenant située à droite du prêtre. 

Dessin pour Ronchamp - Le Corbusier
Façade Est - image DSz

Bref, je passe les détails concernant les trois chapelles qu'on ne soupsonnent pas à l'intérieur dû bâti qu'on croit d'un volume simple. Ces chapelles sont éclairées par des puis de lumière qui théatralisent l'hôtel. 

Je ne m'étends pas non plus sur le beauté saisissante des vitraux qui nous éblouhissent même un matin de février sous un ciel chargé, bas et lourd...
signé Le Corbusier - image DSz
étoile du matin - image DSz
La mer - image DSz


Je vous laisse monter à notre Dame du Haut pour aller ressentir tout ça. 


L'histoire aurait pu s'arrêter là. Mais non, car l'association qui fait vivre ce lieu et nous le fait partager est très active. C'est comme ça qu'en 1975, 20 ans après la livraison de l'église, que l'association à fait appel à Jean Prouvé (!!!) pour réaliser le campanile, le portique à trois cloches installé devant la façade ouest de la chapelle. Deux des cloches (mi et fa dièse) sont celles de l'ancienne chapelle, la 3e en la a été fondue à Annecy en 1975. Prouvé fait du simple et efficace. 
Le Campanile de Jean Prouvé - Image DSz

Et ce n'est pas fini. Au début des années 2000, l'association toujours vaillante, recherche une sollution pour assurer une présence sur la colline. Les soeurs Clarisses (communauté religieuse franciscaine) qui cherchent un nouveau lieu pour leur monastère sont contactées et acceptent de venir s'installer à notre Dame du Haut. C'est Renzo Piano qui est choisi pour succéder à La Corbusier et à Prouvé.
Il doit mener deux chantiers sur la colline : "La Porterie" lieu d'accueil du visiteur : librairie, café, salle d'exposition et surtout cheminée en insert (encore une idée bien astucieuse dans cette contrée chère à mon coeur mais qui, il faut bien l'avouer, peut se montrer inhospitalière de par son rude climat...)
Porterie : La Cheminée et son large banc hospitalier pour réchauffer le visiteur !!! Bonne idée Renzo Piano !                     - image M. Devancé
Et puis il y a le monastère avec son oratoire. Renzo Piano a passé beaucoup de temps avec les soeurs pour comprendre comment elles vivaient et comment l'architecture pouvait répondre à leurs besoins. Il en résulte un bâtiment en deux parties : une partie publique et une partie privée pour répondre au mieux au mode de vie des soeurs Clarisses.
Le site au printemps - image M. Devancé
L'autre difficulté de la commande pour Renzo Piano, c'est de faire dialoguer ses bâtiments avec le "monument" de Corbu. La réponse proposée par l'architecte italien est à mon point de vue prodigieuse : il propose d'utiliser certains éléments de langage (le béton, les puis de lumière) tout en proposant une architecture de son temps complètement intégrée au paysage pour ne pas le dénaturer, mais plutôt le mettre en scène.

Vous l'aurez compris la colline de Notre Dame du Haut est un lieu incontournable. Les architectes qui s'y sont succédés ont tous compris que ce lieu était déjà exceptionnel, et qu'il ne fallait pas construire mais seulement intervenir pour aider le visietur ou le pellerin à méditer.

Quelques infos sur la colline Notre-Dame du Haut

P.S. En y allant en train depuis la gare de Lyon, n'oubliez pas d'admirer la gare de Belfort-Montbéliard TGV !!!

jeudi 15 octobre 2015

Pierre Paulin (genèse)

Avant la mousse et le jersey qui ont fait son succès (et une certaine idée du futur...), le designer Pierre Paulin (1927 - 2009) a dessiné pour Thonet un bureau absolument sidérant : le CM 141
Le CM 141 au Musée des Arts Décoratifs (photo DSz)
C'était en 1953. Ce meuble est intemporel. On le croirait datant des années 30 et sorti du Bauhaus, et encore aujourd'hui, en plein retour des années 50, il garde une modernité incroyable.
Il est sublime.


Intemporalité encore, comme le souligne Dominque B (merci !), voici cette banquette qui vous dit peut être quelque chose :
(photo Mobilier National)
L’atelier de Recherche et de Création (fondé par André Malreau et Jean Coural alors directeur du Mobilier National) commande en 1969 à Paulin une banquette pour le Musée du Louvre. Il en sortira la banquette « borne » sur laquelle les visiteurs du musée peuvent encore aujourd’hui se reposer !
La Grande Galerie - aile Denon (photo  2013 Musée du Louvre / Olivier Ouada)


Je ne peux pas évoquer Pierre Paulin sans parler de son oeuvre réalisée pour la gare de Paris Gare de Lyon. Un plafond qu'on ne comprend pas, dans un hall qui ne nous oriente pas. Et pourtant, maintenant que j'ai levé les yeux et que je regarde, le lieu se transforme. 
Hall 3 (photo Cité du Design)
Vivement une exposition Paulin pour en savoir plus...

 
Ribbon chair, F 582 (photo Galerie Chantala)